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Krystyna Ziach
Archê - L’ambivalence de l’eau et du feu, par Mirelle Thijsen, 1996 (French, II)
Mirelle Thijsen est historienne de l’art et critique d’art pour le quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad
photo : The Energy of Darkness, photosculpture, 1996

Mars
L’eau et le temps érodent même le métal le plus dur. La couleur rouille de l’acier du cadre massif et du piédestal réfère directement à l’influence impitoyable de l’usure du temps. Le métal rigide, sévèrement oxydé, peut être associé avec Mars, la ‘planète rouge’, qui est chaude, sèche, aigue et cruelle. Elle représente les accidents inattendus, la confusion et le sexualité agressive. D’une personne qui est dominée par la planète Mars on dit qu’elle est ‘martiale’. Le métal rongé par le temps retourne aussi sous forme d’un trompe-l'œil dans The Fountain of Time. L’image de la ‘peau’ d’une plaque d’acier corrodé est montrée, comme contrepoint, à côté du visage lavé de l’artiste mentionné ci-avant. La couleur des photos a été adaptée. Le rouge-brun d’un ton sépia détermine un sentiment similaire de fugacité dans tous ces œuvres photographiques. La couleur ajoutée à une qualité terrestre ; dans un sens plus métaphorique elle réfère aux choses charnelles, à l’érotisme sans ambages.

Dans l’art la fascination pour l’apparente incompatibilité de ces deux éléments primordiaux n’est pas nouvelle. En 1961, avec les ‘Fontaines d’eau et de feu’, Yves Klein a déjà tenté de dompter ces deux éléments primordiaux et il essayait de réaliser une synthèse entre eux dans ses peintures de feu. Il laissait ses modèles dégoutter des motifs d’eau sur du carton à l’aide de leurs corps humides, avant d’exposer le carton au feu. Puisque les endroits humides tenaient bon plus longtemps dans le feu, les empreintes des corps apparaissaient dans le feu comme des ombres flottantes de couleur.

La sécrétion
The Energy of Darkness nous montre dans un agrandissement la structure cornée morte d’une chevelure. Les gouttes d’eau sur les cheveux longs et minutieusement peignés nous rappelle la rosée. À l’époque de Pline, le liquide condensé est considéré être ‘un don du ciel pour les yeux, pour les ulcères et pour les intestins’. Les alchimistes avaient l’habitude de collecter la rosée du ciel dans des linges. Une belle chevelure dans beaucoup de cultures réfère toujours à la tentation et la séduction, mais perd ce pouvoir au fil des ans. Ziach joint les deux moitiés de l’image comme les deux hémisphères cérébraux dans une boîte crânienne. La direction descendante de la croissance des cheveux fait contraste avec l’effet de profondeur dans la moitié droite de l’image. D’une position haute nous regardons vers le bas sur une étendue d’eau stagnante couverte d’une couche de lentilles d’eau. Les deux structures organiques – les lentilles d’eau et les cheveux - tendent vers une croissance débridée. Dans un certain sens elles représentent le chaos, à moins qu’il n’y ait quelqu’un qui intervient.
Dans la littérature chinoise ancienne, le mot ‘source’ est associé avec l’érotisme. Ce thème est abordé d’une manière subtile dans un objet spatial qui se trouve par terre et est intitulé The Embrace. L’objet se compose de deux surfaces inclinées en forme d’un livre ouvert, sur lesquelles un dos d’homme et un dos de femme se touchent à califourchon.
L’eau comme liquide corporel est la troisième dimension dans le projet Archê. Sous forme de sueur il suinte des pores et couvre les deux surfaces cutanées, une forme de sécrétion qui réfère à la peur, l’agression, l’effort physique et l’excitation sexuelle. Jusqu’à présent les concepts de ‘polarité’ et ‘instabilité’ ont occupé le premier plan dans l’œuvre entier de Krystyna Ziach. Mais contrairement à la présentation monumentale des projets précédents, dans Archê Ziach insiste moins sur le poids des choses. L’accent n’est pas sur l’encadrement et les objets sont moins sculpturaux. Ziach est maintenant plus concerné par la suggestion de profondeur, comme une expérience en dedans de l’image photographique elle-même.
Cette série est aussi fondée sur l’intuition et un état d’esprit personnel, plutôt que sur les références relatif à l’histoire de l’art et à la mythologie qui étaient explicitement présentes dans ces œuvres précédentes.
L’élément autobiographique, l’âme émergente, apparaît petit à petit dans son œuvre.
Traduction : Hanny Keulers